Tendre l'autre joue, avec modération ?

« Aimer infiniment son ennemi, pardonner encore et encore, tendre l’autre joue… »
C’est le message de Jésus. Mais est-ce du masochisme ?
Dans la vie réelle, se laisser faire, c’est parfois :
- encourager le mal,
- laisser l’injustice perdurer,
- ou sombrer dans l’oubli de soi.
Ce comportement, quand il est mal compris, peut mener à de graves déséquilibres : burn-out, culpabilité, voire dépression.
Alors comment suivre le conseil de Jésus sans s’abandonner soi-même ?
Comment rester fidèle à l’Évangile sans sombrer dans l’absurde ?
✨ 1. Le pardon radical, oui.
Quand Jésus prononce ces paroles, il s’adresse à une foule dominée politiquement, socialement, militairement.
Dire à un peuple opprimé de ne pas répondre à la violence par la violence, c’est à la fois :
- un message de paix,
- et un appel à une force intérieure inédite.
Tendre l’autre joue n’est pas un geste de faiblesse, mais un refus conscient d’entrer dans la logique de l’agresseur.
« Vous avez appris qu’il a été dit : œil pour œil et dent pour dent.
Eh bien moi, je vous dis de ne pas résister au méchant :
si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. »
(Matthieu 5,38-39)
Un jour, Pierre lui demanda :
« Seigneur, combien de fois devrai-je pardonner à mon frère s’il pèche contre moi ?
Jusqu’à sept fois ? »
Jésus répondit :
« Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix-sept fois. »
(Matthieu 18,21-22)
Le pardon devient alors un choix répété, presque absurde pour la logique humaine.
Une manière de ne pas laisser la faute des autres nous transformer en ce que nous ne voulons pas devenir.
🥊 2. Tendre l’autre joue : une image ?
Et si cette parole était une image ? Une manière de rompre le cycle de la violence sans se soumettre au mal ?
Saint Thomas d’Aquin attire notre attention sur une scène bien connue :
Lors de son arrestation, Jésus est frappé par un serviteur. Et que fait-il ?
Il ne tend pas l’autre joue.
Il répond :
« Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal ;
mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? »
(Jean 18,23)
Il confronte l’injustice calmement, avec autorité.
Tendre l’autre joue, ce serait donc :
- sortir du jeu du mal,
- refuser d’entrer sur le terrain de l’agresseur,
- réveiller les consciences.
C’est une manière de manifester une dignité intérieure inébranlable.
Une manière de dire : Pourquoi es-tu méchant ?
⏳ 3. Pardonner vraiment prend du temps
Dans la pratique thérapeutique, comme dans l’introspection, on constate souvent qu’on pardonne trop vite :
- par automatisme,
- par pression religieuse ou morale,
- ou par peur de la confrontation.
On croit bien faire.
Mais la blessure reste vive, enfermée sous le tapis du pardon « obligatoire ».
Le pardon accordé trop tôt masque la souffrance au lieu de la soigner.
Avant de pardonner :
- il faut regarder la douleur en face,
- reconnaître la blessure,
- et accueillir la compassion — d’abord envers soi-même, puis envers l’autre.
Ce n’est qu’à ce prix que le pardon devient guérison.